Light Feet Running - Courir Léger

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Vous avez peut être entendu parler de la notion de dénivelé (ou « drop » en anglais) des chaussures de running: il s’agit de la différence de hauteur du pied entre le talon et l’avant du pied: par exemple, une chaussure ayant un dénivelé de 10mm (soit 1cm), va positionner le pied par rapport au sol comme sur le schéma ci-dessous:

Drop schema

Ainsi dans une chaussure avec « zéro-drop », le talon sera à la même hauteur du sol que l’avant du pied. Je dis bien avant du pied et non pas orteils car beaucoup de chaussures de running sont courbées vers le haut à l’avant du pied, ce qui fait que le bout des orteils se trouve alors plus haut que la partie du pied située à la base des orteils. Cette courbe est conçue par les fabricants pour compenser la rigidité de la semelle de certaines chaussures: si la semelle est rigide et empêche le pied de se plier, cette forme relevée permet au pied de rouler sur le sol. Le lecteur percevra aisément que cela rend le pied plutôt paresseux car au lieu de se plier pour permettre au coureur de se projeter vers l’avant de manière active, le pied devient juste une sorte de chaise à bascule passive.

toe-spring

Les chaussures traditionnelles de running ont le plus souvent un drop autour de 1,2cm.

Maintenant, quelle est la conséquence de ce dénivelé sur la foulée ?

Pour illustrer ma réponse, j’utiliserai des images vidéos tirées du blog http://www.runmygeek.com/ avec la sympathique permission de son auteur. Celui-ci a comparé la foulée avec chaussures et sans chaussures de deux coureurs qui pratiquent une attaque médio de pied.

On voit sur ces images que le fait de porter des chaussures avec un drop important les fait attaquer du talon. En effet, pour une simple raison géométrique, le simple fait de placer une certaine épaisseur sous le talon fait que le talon touche le sol en premier du fait de la manière presque horizontale dont le pied vient en contact avec le sol chez ces coureurs médio de pied : j’ai ainsi tracé en vert la ligne d’une semelle imaginaire avec drop sous chaque pied nu pour montrer comment le contact au sol se fait alors par le talon en premier :

Est-ce si grave pour autant ?

Si on compare la forme de leur foulée avec ou sans chaussures, on constate qu’elle reste presque identique: la seule différence notable est l’impact au sol avec le talon, qui s’explique donc par le drop de la chaussure.

Compte-tenu de l’angle très ouvert du pied au moment de l’attaque au sol, seule une chaussure avec peu de drop pourrait leur permettre de limiter au maximum ce premier contact au sol avec le talon.

Je pense que c’est un peu rapide de conclure que le fait de porter des chaussures transforment ces coureurs en coureurs avec une attaque du talon (heel strikers en anglais) car leur foulée n’est pas fondamentalement modifiée par la chaussure: ils ne deviennent pas des heel strikers du simple fait que le talon de chaussure vient effleurer le sol en premier. Ainsi, on peut constater qu’ils gardent un point de contact avec le sol proche du centre de gravité et avec la jambe pliée. Il serait intéressant de mesure la force d’impact de leur pied au sol mais je pense qu’elle ne serait en rien comparable avec celle d’un vrai « heel striker » (dont l’exemple est sur les clichés suivants) :

On voit bien comment le « heel striker » vient taper (et certainement pas effleurer le sol avec son talon), la jambe presque tendue, devant son centre de gravité (overstriding) et prend toute l’onde de choc dans sa jambe (avec un coefficient de presque deux fois son poids).

En d’autres termes, je ne pense pas que ces deux coureurs s’ils couraient avec des chaussures rencontraient les problèmes biomécaniques auxquels doivent faire les vrais « heel strikers » (tant qu’ils préservent bien sûr la forme actuelle de leur foulée).

On pourrait conclure que:
– le drop, dès lors qu’il dépasse une certaine hauteur, a bien un effet direct sur la touche du talon au sol quelque soit le type de foulée (même la foulée la plus courte et minimaliste possible) ;
– tout coureur, même celui avec une foulée la plus minimaliste possible, va toucher le sol avec le talon dès lors qu’il porte une chaussure avec un certain « drop » ; donc, en apparence, quasiment tous les coureurs en chaussures vont apparaître comme ayant une attaque du talon plus ou moins marqué, sauf si le coureur a une foulée vraiment sur l’avant du pied (c’est d’ailleurs confirmé par beaucoup d’études visuelles qui constatent une quasi-totalité d’attaque par le talon même parmi les coureurs élites en course d’endurance) ;
– une chaussure « zéro-drop » n’est toutefois pas forcément nécessaire pour éviter cette touche au sol avec le talon ; un drop réduit peut suffire;
– il faut distinguer entre une touche du talon et une attaque talon et leurs conséquences respectives pour le corps (point certainement à confirmer par une étude sur un tapis de force afin de mesurer la différence d’impact entre les deux types de foulée) ;
– l’expression « coureur attaquant du talon » recouvre des réalités bien différentes et des impacts pour la santé et la performance également bien différents.

(Cet article n’a pas vocation à traiter de toutes les conséquences liées au drop; il en existe d’autres que j’aborderai peut être dans d’autres posts).

Bon Light Feet Running !